Les élèves de notre centre de formation me questionnent régulièrement sur mon parcours et sur ses origines : “Pourquoi avoir ouvert une microbrasserie ?”; “Comment as-tu fait pour ouvrir ta microbrasserie ?”. J’ai donc décidé de vous raconter, en plusieurs papiers, pourquoi j’ai ouvert une microbrasserie et comment je m’y suis pris.
Voici donc la première partie de cette grande aventure qu’est l’ouverture d’une microbrasserie.
Pour commencer je peux vous dire qu’ouvrir une microbrasserie fut la plus grande, belle et redoutable aventure de ma vie professionnelle. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’en amont de cette ouverture ma carrière professionnelle fut plutôt chaotique : je ne restais que très peu de temps en poste. Je ne m’épanouissais ni dans les tâches que l’on me confiait, ni dans les relations hiérarchiques tissées, ni dans les différentes cultures d’entreprises rencontrées.
Alors que je tournais en rond en voyant certains de mes camarades construire leurs carrières avec plus ou moins de joie je me demandais, comme beaucoup, quel était mon rôle dans cette société que l’on trouve parfois dénuée de sens. Entre chaque poste, j’effectuais mes rendez-vous Pôle Emploi. Déprimant.
Et puis un jour, ou les astres devaient être alignés, on m’offrit un kit de brassage de bière à domicile. Ce fut le chaos en cuisine : du malt partout, des casseroles dans tous les sens, un bordel sans nom. Mais Je me sentais déjà le Walter White de la bière.
Deux fermentations plus tard, je dégustais ma propre création, mon bébé, ce que mon cerveau et mes mains avaient mis en place, de concert. Résultat : dégueulasse et infectée. Mais il était trop tard, j’avais entre-aperçu le processus de brassage de bière et son potentiel créatif.
Je parti donc me former en juillet 2016 dans un centre de formation qui n’existe plus aujourd’hui. Une formation d’une semaine pour apprendre à brasser. Ce fut une formation riche en apprentissage et en rencontres. Des belges, des suisses, autour d’une même table pour apprendre le brassage. Cette formation fut très enrichissante même si elle comportait pas mal de lacunes. Nous avons d’ailleurs créé notre propre semaine de formation au sein de BrewSociety en ayant le souci de l’opérationnel : https://www.brewsociety.fr/content/23-ecole-brassage-biere
Cette semaine de formation effectuée, je me suis dit plusieurs choses :
- Le brassage de bière est un processus extraordinaire qui demande de la rigueur ;
- La formation au brassage de bière en France doit aller plus loin ;
A ce stade, je ne voulais pas encore ouvrir une microbrasserie mais plutôt améliorer les kits de brassage de bière à domicile. J’ai donc monté mon projet de création d’entreprise que j’ai présenté à Normandie Incubation (association d’aide à la création d’entreprise) et qu’ils ont validé. Au fur et à mesure que je travaillais dessus, je me rendais compte que son potentiel n’était pas dingue et que ce que je voulais vraiment c’était ouvrir une microbrasserie.
Pourquoi ?
Parce que selon moi, ouvrir sa microbrasserie, c’était pouvoir enfin avoir un “job” manuel et intellectuel. Être un savant-fou mais également être producteur de quelque chose qui a du sens et qui porte le concret en lui. J’ai donc fait migrer mon projet de kit vers l’ouverture d’une microbrasserie. Je vous expliquerai dans un papier suivant si le métier de brasseur est vraiment celui auquel je m’attendais.
Je lançais donc la grande opération paramilitaire : “trouver le bon fournisseur d’équipements !”
Bienvenue dans le labyrinthe des fournisseurs en équipements de brassage avec des prix divers et des qualités variées. Entre certains constructeurs européens hors de prix, certains Chinois hasardeux, j’ai finalement trouvé mon bonheur et sélectionné mon équipementier (Sachez d’ailleurs, que nous conseillons nos élèves dans le dimensionnement de leur projet d’ouverture de microbrasserie).
Son devis était de 70 000 euros.
En parallèle de cela, j’ai commencé mon Business Plan et le Prévisionnel. Le Saint-Graal pour les banquiers. On sait tous que personne ne suit son prévisionnel et que l’on jongle avec les chiffres pour qu’il plaise (j’espère que mon banquier Benoît ne lira pas ces lignes 😀 ). J’avoue, pour ma part, n’avoir pas eu à rencontrer beaucoup de financeurs puisque ce même Benoît, fou qu’il était, m’a suivi dès le premier rendez-vous. Je me souviens de notre discussion et du moment ou il m’a dit qu’il validait mon prêt :
- moi : mais lorsque vous dites “validé”, vous voulez dire validé, validé ?
- Benoit : Votre prêt est validé, c’est OK pour vos fonds.
- moi : Ok, validé par vous mais pas par vos supérieurs ?
- Benoit : Dans 15 jours vous avez les fonds.
- moi : …
Dans un premier temps j’étais tout excité. Cela faisait plus d’un an que je travaillais sur mon projet. Il devenait réalité. Dans un second temps, je me rendais compte qu’il devenait effectivement réalité et la pression a commencé à monter. Les jours qui ont suivi je ne faisais pas le fier. Je me suis retrouvé pendant 3 jours nez à nez avec mon devis, à le regarder. A commencer à le signer, puis non, puis oui, puis non. Signer un futur chèque de 70 000 euros ce n’est pas si facile. Cette signature c’est se faire confiance, douter puis se faire confiance et redouter pour finalement se faire confiance.
Je l’ai signé puis envoyé directement au fournisseur pour ne pas changer d’avis.
Dès lors, tout s’enclenchait : la mise en place sur-mesure de la salle, le local, la douane, etc.
… TO BE CONTINUED …